LINGUISTIQUE EN ALLEMAGNE

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De grands penseurs allemands comme Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), Johann Gottfried Herder (1744-1803), Johann Georg Hamann (1730-1788), Friedrich von Schlegel (1772-1829) ou Wilhelm von Humboldt (1767-1835) ont apporté au cours de l’histoire une contribution importante à la réflexion sur le langage.

L’Allemagne a fourni beaucoup des plus grands comparatistes du XIXe siècle. Il y eut une première génération pour laquelle existait encore l’espoir romantique de la reconstruction d’un état de langue originel (ainsi, Franz Bopp travaillant sur la presque totalité du champ indo-européen, ou Jakob Grimm, célèbre pour sa contribution à l’histoire des parlers germaniques). Il y eut ensuite un August Schleicher, voyant dans la langue un organisme qui, comme une plante, naît, vit et meurt. Il y eut également, vers la fin de ce XIXe siècle, ceux que l’on a appelés les néo-grammairiens (Hermann Paul, Karl Brugmann ou Berthold Delbrück) et qui, dans une perspective plus mécaniste, ont cherché à mettre en évidence le caractère aveugle et nécessaire de l’action des «lois phonétiques» présidant aux transformations des langues.

Au vu de cette tradition de réflexion sur le langage, on est d’autant plus frappé par le fait que — pendant toute la première moitié du XXe siècle — l’Allemagne n’a pas participé à l’élaboration de la méthode structuraliste, qui a pourtant permis, dans une certaine mesure, la constitution de la linguistique en tant que discipline scientifique. La non-pénétration en Allemagne d’un structuralisme de type américain pourrait s’expliquer, d’une part, par le fait que la tradition culturelle allemande semble mal s’accommoder d’une mise à l’écart du sens, d’autre part, par le fait que la morphologie de l’allemand (caractérisée par l’amalgame, la discontinuité et une grande liberté positionnelle) se prête mal à l’application mécanique des techniques distributionnelles américaines. Mais ces raisons ne valent plus quand il s’agit de comprendre la non-pénétration en Allemagne d’un structuralisme de type européen, tel qu’il fut représenté à Genève, à Prague, à Paris ou à Copenhague, et où toujours les deux faces du signe saussurien furent prises en compte. On doit donc sans doute conclure que — après avoir pris un moment de retard lié à l’emprise exercée par tout ce qu’il y avait de perspective historique chez les comparatistes évoqués ci-dessus — l’Allemagne n’a plus connu, de 1933 à 1945, les conditions permettant l’exercice de la réflexion scientifique.

En république fédérale d’Allemagne (R.F.A.), après la Seconde Guerre mondiale et jusque vers 1960, on remarque encore l’absence d’un corps de propositions méthodologiques qui auraient pu faire largement école. On rencontre plutôt quelques fortes individualités, comme Peter Hartmann ou Erwin Koschmieder et, par ailleurs — ce qui est assez curieux à ce moment précis de l’histoire —, quelques thèmes permanents comme ceux que traite Leo Weisgerber (cf. Vom Weltbild der deutschen Sprache , 1953, «La Vision du monde de la langue allemande»).

C’est dans ce contexte que les travaux de Noam Chomsky ont été reçus, entre 1960 et 1965, et que toute une génération des chercheurs a été subjuguée par les exigences méthodologiques de la grammaire générative qu’il définissait. Cet engouement a été matériellement soutenu par quelques années d’essor général pour l’ensemble de la recherche universitaire en R.F.A. et par l’existence d’une documentation considérable sur les travaux génératifs internationaux. La production des chercheurs dans ce domaine a très vite été importante, comme en témoigne le bilan fait en 1972 par Danièle Clément et Blanche Grunig dans la revue Langages ; il faudrait retenir, dans ce domaine, les noms de Herbert Brekle, Christian Rohrer, Arnim von Stechow, Wolf Thümmel ou Heinz Vater. Pendant quelques années, la grammaire générative, avec ses variantes glissant vers la sémantique générative, est souveraine et ne trouve guère de concurrente que dans la grammaire de dépendance inspirée du Français Lucien Tesnière et introduite en Allemagne par Klaus Baumgärtner.

Dès 1972, toutefois, le désenchantement se manifeste, facilité sans doute par une réception initiale trop peu critique. Certes, l’on continue à exécuter des travaux dans un cadre chomskien, mais la masse des chercheurs s’est engagée dans deux autres directions: les uns — et c’est la majorité —, suivant en cela l’exemple donné par Utz Maas et Dieter Wunderlich (cf. Pragmatik und sprachliches Handels , 1972, «Pragmatique et agir langagier»), se sont rattachés à une conception du langage comme acte, qui est évidemment largement inspirée des textes de John Austin et John Searle, publiés respectivement en 1962 et en 1969; cette conception a connu toutefois en R.F.A. des développements spécifiques s’intéressant particulièrement à la façon de maintenir entre partenaires une bonne compréhension (il est vraisemblable qu’il y a là un reflet de l’équilibre atteint en R.F.A. au plan social dans les années 1970); les autres se sont réfugiés dans des études où logique et langage sont rapprochés. Il faut souligner à ce propos la grande familiarité qu’ont la plupart des linguistes allemands avec la tradition logique autrichienne du cercle de Vienne (Wiener Kreis). Les «Éléments de logique symbolique» (1947), de Hans Reichenbach, n’ont cessé d’être une référence et ont trouvé des prolongements plus sophistiqués.

En République démocratique allemande (R.D.A.), c’est aussi un long silence qui suit la Seconde Guerre mondiale. Mais, en 1955, il est fondé à l’Académie des sciences de Berlin une section consacrée à la recherche sur le langage, dotée de moyens considérables et formant des chercheurs reconnus internationalement, comme Manfred Bierwisch et Wolfgang Motsch. Leipzig, avec les équipes qu’animent Rudolf Ruzicka et Gerhard Helbig, avait une activité de recherche qui suit immédiatement celle de Berlin. L’intérêt porté par ces deux centres à la grammaire générative chomskienne a été d’emblée très grand, mais pondéré par une prise de connaissance approfondie du structuralisme. En ce qui concerne les théories du langage comme acte, elles ont été reçues également avec intérêt, mais la recherche tentait d’intégrer les types de faits qu’elles ont mis en valeur dans un modèle linguistique où la grammaire était restée centrale. Des chercheurs, parmi lesquels notamment Georg Klaus (cf. Sprache der Politik , 1971, «La Langue de la politique»), se sont préoccués par ailleurs de prolonger la réflexion linguistique dans ce domaine par une pratique de propagande politique. Il semble avoir été caractéristique de la R.D.A. d’associer à une recherche fondamentale poussée des entreprises efficaces sur la plan pratique. Le dictionnaire en six volumes de la langue allemande contemporaine, achevé sous la direction de Wolfgang Steinitz puis de Ruth Klappenbach, en est également une preuve.

Dans les années 1980-1990, le domaine de la sociolinguistique, et plus particulièrement le bilinguisme et l’acquisition de l’allemand par les travailleurs turcs, gagne en intérêt (cf. les travaux de H. Böschoten, M. Nehr et F. Andres). Après la réunification de l’Allemagne, les lexicographes s’emparent des questions touchant à l’évolution parallèle de la langue allemande dans les pays germanophones.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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